Elizabeth Eyre de Lanux est née le 20 mars, 1894 à Johnstown, Pa, (USA). Elle est la fille aînée de Richard Eyre Derby (1869-1955) et Elizabeth Krieger Eyre (1938).
La mère d’Elizabeth souffre de dépression, et passe de longues périodes dans le Summit, New Jersey sanatorium. Les responsabilités parentales incombent surtout à Richard Eyre, avocat renommé. Les Eyres sont issus d’une famille de constructeurs de navires en vue de Philadelphie. Richard Eyre est né à Florence (Italie). Son père, Wilson Eyre (1823-1901), a servi comme consul des États-Unis à Venise au cours de l’unification italienne. La tante d’Elisabeth est le sculpteur Louisa Lear Eyre (1872-1953) et un de ses oncles, Wilson Eyre (1858-1944), était un architecte de Philadelphie. La sœur d’Elisabeth, Louisa Lear Eyre Norton (1896-1966), est entré au MIT en 1920, et reçoit son doctorat de physique en 1924.
Elizabeth fréquente la « Miss Hanzen’s School » à Pelham Manor, Westchester County, New York et s’inscrit à des cours à l’Art Students League en 1912 et ce jusqu’en 1914-15. Ses professeurs sont George Bridgman pour « Life Drawing » et John C. Johansen pour « Still Life Painting ». A cette époque elle réside au 47, Square de Washington, mais déménage rapidement au 15 W. 67e Street. Elle expose deux peintures, « L’Arlésienne», et «Allegro», au salon annuel de la Société des artistes indépendants de 1917.
Début 1918, alors qu’elle travaillait pour le Bureau de presse étrangère du Comité sur l’information publique, Elizabeth rencontre Pierre Combret de Lanux (1887-1955), écrivain et ancien secrétaire littéraire d’André Gide et membre de la Haute Commission Française aux États-Unis, en charge de la liaison avec les alliés d’Europe centrale. À ce titre, il a passé les années 1916 à 1918 à voyager entre Cleveland, Chicago, Detroit, Pittsburgh, New York et Washington. Elisabeth et Pierre se sont mariés à New York lors d’une cérémonie civile le 9 Octobre, 1918. Immédiatement après l’armistice, ils s’embarquent pour Paris pour s’installer au numéro 19 rue Jacob. Leur fille, Anne-Françoise, surnommé « Bikou », est née le 19 Décembre 1925.
Au début des années 1920, Elisabeth et Pierre s’accordent mutuellement la liberté de prendre des amants. De 1923 à 1933, Pierre de LANUX est basé principalement à Genève, où il a travaille pour la Société des Nations Unis en tant que directeur du Bureau de Paris. Cet arrangement a conduit, non seulement à des périodes de séparation mais aussi à un flux de correspondance affectueuse et de retrouvailles. Le mariage dure jusqu’à la mort de Pierre en Mars 1955.
A Paris, à partir de 1919-20, Elizabeth poursuit ses études de peinture avec Maurice Denis à l’Académie Ranson et avec Paul Sérusier à l’Académie Colarossi. Elle étudie la gravure avec Démétrius Galanis et prend des cours de dessin à La Grande Chaumière. Dès cette époque, elle commence à signer ses croquis « Eyre de Lanux». Le Café de la société et Le Boeuf sur le Toit sont une source inépuisable de sujets de portrait, tout comme les salons du vendredi de Natalie Clifford Barney. En mai 1921, une série de ses dessins «Outlines of Women» est exposée à la Kingore Galleries de New York. Un de ses dessins, « Amazone» a été identifié, dans le catalogue d’exposition, comme étant le portrait de Barney ; apparaissent aussi dans le catalogue, des dessins de diverses personnalités de la haute société, comme Marion Tiffany, l’actrice Eva Le Gallienne, et la championne de tennis Julie Lentilhon.
De Septembre 1920 à Avril 1922, Eyre et Pierre résident aux Etats Unis. Des chroniqueurs new-yorkais ont noté la présence d’un «couple des plus talentueux » à l’Hôtel Chelsea au printemps de 1921. Tandis que Pierre se rend à Chicago, puis à Washington, probablement pour des affaires diplomatiques, Eyre achève un travail sur une paire de portes en chêne peint, vermillon et or, (légende du 13 ème siècle de Sainte Marie l’Égyptienne). En mars 1922, les portes sont exposées à la Galerie Knoedler et reçoivent une critique favorable dans le Sun. Beaucoup plus tard, en 1943, Eyre exposera sa fresque « Persiennes, Persiennes » à New York, pour « l’Art of 31 Women Show» à l ‘ «Art of This Century Gallery ».
Eyre a commencé l’étude de la peinture de fresque dès la fin des années 1920 avec Constantin Brâncuși. Le 8 Juin 1926, s’ouvre sa première exposition individuelle de fresques à la Galerie Aux Quatre Chemins. Elle revient à la peinture de fresques de manière intensive au cours de son séjour à Rome, les expositions de ces fresques auront lieu, chez Alexander Lolas à New York en 1952 et en 1960, à Paris chez Le Sillon. Pendant ses années parisiennes, Eyre fait la connaissance des amis de Pierre : Valery Larbaud, Léon-Paul Fargue, et Jean Cocteau. Ezra Pound a apporté des corrections à son poème de 1923 « Rue Montorgueil ». En 1926, elle réalise des gravures pour « Le Pauvre Chemisier » de Larbaud (1929). Eyre connait bien Adrienne Monnier, assez pour regretter de ne pas avoir gagné son acceptation complète ; en 1921, la peinture de Rinette, la sœur de Monnier, a été exposée au « Kingore Show ». Il se pourrait que ce soit à la Librairie Monnier, La Maison des Amis des Livres, qu’Eyre ait rencontré, en 1919 ou en 1920, le poète surréaliste Louis Aragon, lequel est immédiatement tombé amoureux. Le poème d’Aragon « Isabelle » (1919), dédié à l’énigmatique «Madame I.R. », publié en 1926, parle de son amour pour « une herbe blanche. » Aragon fait d’Eyre sa muse des Buttes-Chaumont dans Le Paysan de Paris (1926), et dans « Le Songe du Paysan », il y décrit les origines de son amour secret. Leur liaison, qui durera une année, débute réellement en Mars 1925, peu de temps après la fin de la liaison d’Eyre de Lanux avec Natalie Barney. Une relation amoureuse avec l’écrivain politique Pierre Drieu La Rochelle, commencée en 1923 et poursuivie de façon intermittente, prend également fin à cette même période. En 1933, suivant les conseils d’un certain « AD », peut-être le peintre André Derain, Eyre et Pierre achètent un certain nombre d’œuvres d’art contemporain. Il s’agit notamment d’une aquarelle de Picasso et d’un dessin de sa période cubiste, un Braque, un Berman, deux dessins de Picabia, un Yves Tanguy, un important Mirà et de deux tableaux de De Chirico. La peintre et galeriste Betty Parsons (1900-82), l’aidera, beaucoup plus tard, lors de la vente de sa collection de peintures. Beaucoup seront vendus à perte pour couvrir les dépenses.
Durant ses années parisiennes elle collabore régulièrement au magazine américain Town and Country. Souhaitant écrire un article sur les jeunes décorateurs parisiens, elle rencontre Eileen Gray et, à travers elle, Evelyn Wyld (1882-1973) la créatrice Anglaise. En 1927, devenues proches, Eyre de Lanux et Evelyn Wyld partagent un atelier au 17-19, rue Visconti (Paris 6ème), collaborant à des ensembles décoratifs d’un grand raffinement. Wyld crée des tapis tandis qu’Eyre de Lanux dessine des meubles aux lignes modernes, simples et robustes, certains exécutés en verre, cuir de vache, de bois et de laque. Ses meubles modernistes sont considérés parmi les plus sophistiqués et sont fréquemment exposés avec ceux d’Eileen Gray et de Jean-Michel Frank.
Eyre et Wyld exposent aux Salons des Artistes décorateurs et à la première édition du Salon de l’Union des Artistes Modernes (UAM) en 1930. En 1932, les deux femmes ouvrent Décor, une galerie de mobilier à Cannes. En 1933 face à une baisse de la demande dû au krach boursier de 1929, elles ferment la galerie. Pendant sa collaboration avec Wyld et certainement inspiré par leur partenariat, Eyre de Lanux commence à réfléchir à des moyens connexes de gagner sa vie. De novembre 1927 à avril 1928 elle est aux Etats-Unis. à Lake Forest, Illinois, en association avec l’architecte David Adler, elle conçoit une salle à manger pour Isabelle et William Clow, Jr. D’autres projets l’occupent, et alors qu’aucun n’a jamais été réalisé, elle les décrits dans de longues lettres à Pierre : devenir l’intermédiaire entre des décorateurs français, comme Jean-Michel Franck, et des détaillants américains, comme Saks Fifth Avenue ; l’ouverture d’une galerie de design d’intérieur à Paris ; l’organisation d’une exposition d’art Amérindien qui voyagerait à travers l’Europe.
En 1938 et 1939, et ce durant la guerre civile espagnole, Eyre de Lanux voyage en Espagne. Après le début de la guerre en Europe, Eyre de Lanux retourne à New York. Pierre la rejoint de Février 1940 jusqu’à la fin de la guerre. Après une carrière, en tant que conférencier sur les relations internationales, de 1928 à 1934, Pierre avait commencé à enseigner en 1935 au Middlebury College dont il a été chef du Département de la civilisation contemporaine. Leur fille « Bikou » était alors étudiante à la Putney School dans le Vermont.
Les années qui suivirent la fin de la guerre ont été celles des grands changements pour Eyre de Lanux. Elle revient à Paris en 1945 et va régulièrement au Café de Flore en compagnie de Picasso, de Brâncuși, de l’écrivain chilien Pablo Neruda, du Premier ministre français Albert Sarraut, et du photographe Robert Capa. En Mars 1948, elle se rend à Rome. À l’Hôtel d’Inghilterra, elle rencontre un jeune auteur italien, Paolo Casagrande. Eyre de Lanux a 54 ans et il a, à peu près, la moitié de son âge. Grâce à ses encouragements, elle loue un atelier au 53, Via Margutta et commence à travailler sur de grandes fresques. Sa relation avec Casagrande durera jusqu’à la fin de sa vie. Bien que Casagrande soit marié et ait des enfants, ils essaient de se voir dès que possible et maintiennent une correspondance passionnée. Ils voyagent pendant de longues périodes dans le sud de l’Italie, la Sicile, en Grèce et au Maroc. C’est au cours de leur séjour marocain, en 1951-1952, qu’Eyre de Lanux commence à prendre des notes pour des histoires courtes. « La Place de La destruction» sera publié en 1955 dans La Nouvelle Revue Française, et « La maison dans la Médina» paraitra dans Harper’s Bazaar en Novembre 1963. Ses carnets de croquis, aquarelles, et des fresques de cette période révèlent sa fascination pour les paysages d’Afrique du Nord.
Le 24 février 1955, Pierre de Lanux décède à Neuilly-sur-Seine (92) à l’âge de 67 ans.
Tout au long des années 50, Eyre de Lanux rend visite à ses proches : Evelyn Wyld à son domicile de « La Bastide » près de Nice, Lisette de La Selle à Saint-Tropez, Consuelo Ford à New York, et Alice de Lamar à Palm Beach. Elle passe, aussi, de longues périodes avec sa sœur à Greenwich, Connecticut, et avec des amis à New York.
En Mars 1961, probablement pour s’éloigner de Casagrande, Eyre de Lanux quitte Paris et retourne à New York de façon permanente. Elle prend un studio à « La Picasso » sur East 58th Street. Dans son journal intime elle a écrit, peu avant le jour de son déménagement : « Ecrire une lettre à Paolo chaque jour, et ne l’envoyer qu’à l’occasion ». Elle retrouve des amis de quarante ans : Max Ernst, Marcel Duchamp, Monroe Wheeler, Eugène Jolas, et Betty Parsons. Et pourtant, elle ne peut rester, longtemps, loin de Rome. Elle y retourne en 1964, 1967, 1968, 1969 et 1978. En mars 1969 elle s’embarque pour Tokyo, Kyoto, Bali et Bangkok. Elle a aussi rendu visite, à plusieurs reprises, au Docteur Ana Aslan à Bucarest, en Roumanie, pour recevoir des injections d’hormones de jeunesses. Sa dernière visite à Paris a lieue en 1978.
Elle commence à travailler sur une biographie de Tobias Lear, un secrétaire de George Washington et ancien ancêtre maternel. Elle recueille aussi des photographies pour « Illusions of Identity », un livre d’associations entre les mondes physique et métaphysique, avec une préface de Ray Bradbury mais le livre n’a jamais été publié. En 1980, elle fournit des illustrations pour Overheard in a Bubble Chamber (1981), un livre de poèmes scientifiques pour enfants écrit par son amie, Lillian Morrison. Le magazine New Yorker a publié trois de ses nouvelles : « Montegufoni » (1966), « Cot Number Eleven » (1968), et « Putu » (1972). Le projet de réunir douze histoires en un volume n’a jamais été réalisé.
Eyre de Lanux meurt le 8 septembre 1996 à Manhattan, New York (USA) à l’âge de 102 ans.
Photographies de meubles réalisées par Eyre de Lanux
Sources :
- Bibliothéque Nationale
- Archives familiales
- Articles de journaux
- Galerie Willy Huybrechts (exposition du 19 septembre au 19 octobre 2013)
- Catalogue de l’exposition
- Photos communiquées par la Galerie W. Huybrechts
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