Article publié dans le Cernéen de l’îsle Bourbon du 8 octobre 1845
« Le Gustave-Edouard » du Havre, capitaine NIGRET, navire de 650 tonneaux, construit depuis 3 ans à peine, et se rendant à Bourbon, vient de sombrer à la Roche Noire (Flacq, Îsle de France). Les détails de ce naufrage sont affreux.
« Lorsque le Gustave-Edouard fut jeté sur le côté, tout le monde se précipita à la hâte sur l’autre flanc du navire, se tenant cramponné, pour ne pas glisser sur le cuivre, à une corde que le hasard ou plutôt la Providence avait fait tomber dans un autre sens que la mâture. Vingt personnes à peu près étaient ainsi échelonnées, le lieutenant au haut du navire, sur le bord de la lisse, recevant le premier le vent et la lame. Immédiatement après lui venait Mme MAGNY, et à ses côtés sa malheureuse enfant qui serrait la corde de toute la force de ses petites mains. Puis quelques passagers, les deux petits garçons de Mme MAGNY, des marins, M. LACAZE, MM VOLCY et Charles ROBIN, des matelots encore et le capitaine en dernier lieu près de la quille. Qu’on se représente un instant cette affreuse position ! Tant de personnes, trois enfants parmi elles, toutes étendues à plat ventre sur le flan du navire, pour offrir moins de prise aux vagues qui se succédaient avec rapidité, et cela au milieu d’une obscurité profonde, et durant deux mortelles heures ! Et pendant la durée de ce drame horrible, la cloche du Gustave Edouard se faisait incessamment entendre : chaque lame, chaque secousse mettait en branle ce lugubre bourdon qui semblait annoncer par avance la mort de quelques uns des naufragés. Aussi ce bruit sinistre leur causait-il à tous une impression profonde, bien facile à comprendre à un tel moment ! Mais une circonstance tout aussi douloureuse et vraiment sublime, c’est la parole, c’est le cri de cette pauvre petite fille 7 ans à peine, à l’instant où elle fut arrachée des bras de sa mère. Depuis un moment elle s’était mise à genoux ; elle priait, la jeune chrétienne, lorsque surprise tout à coup par la vague qui l’emporta, elle ne trouva que le temps de dire « Oh ! ma mère, sauvez-moi, je n’ai pas fini ma prière ! »
Admirable regret qui suffirait pour consoler une mère pieuse et croyante car il assure à l’âme, qui l’a exhalé dans un pareil moment, la félicité des élus ! »
Les deux enfants Magny, décédés lors de ce naufrage, sont mes oncle et tante à la 4ème génération. L’enfant survivant est le père de mon arrière grand-mère, Emmeline Magny, épouse de Marie Thomy Desriscourt de Lanux.
Ce naufrage a eu lieu le 3 octobre 1845.
57 ans auparavant, M. Bernardin de Saint-Pierre nous racontait, dans le roman « Paul & Virginie« , le naufrage du Saint-Géran (17 août 1744) qui a eu lieu quasiment au même endroit.
Merci à Maïté Cordier pour la transcription de l’article de presse.
Résumé de l’article publié le Censeur de Lyon, les 21 et 22 janvier 1846, bas de la page 3
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